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Quelle étrange sensation que de regarder un tournoi du grand chelem avec des tribunes vides. Leur grandeur ne faisant que renforcer cet aspect désertique. Comme à la Marianne de Marivaux, il manque quelque chose à notre coeur et ce quelque chose c’est le public et toute la vie qui s’en dégage. Pendant ces deux semaines à New York au centre du Flushing Meadows, il était fini le temps de l’amour retentissant sous les fracas hystériques de milliers d’applaudissements après un passing en bout de course mais il était aussi fini le temps du désamour et de ses huées résonnants jusque dans le ciel. Fini les bruits parasites, les pleurs des enfants, les inretenables toussotements, les cris malvenus tout comme les encouragements leitmotivs lâchés entre chaque point sonnant comme une musique de fond finissant par faire corps avec le jeu. Les joueuses et joueurs proposent une partition et puis le public, le plus souvent, s’adapte en fonction des émotions transmises, il ressent, absorbe et laisse jaillir de temps à autre le trop plein de joie et les frustrations.
Dans cette hystérie collective nait une sorte de transe, une transe partagée entre les spectateurs présents sur place, les téléspectateurs et évidemment les joueuses et joueurs… C’est d’ailleurs au moment de ces transes (naissant souvent dans les moments clés) que le mental des joueurs et joueuses est mis à rude épreuve puisque tout devient plus intense, plus vivant, et donc naturellement la pression plus pesante. Certains vont arriver à s’en nourrir de manière positive et se surpasser puis d’autres au contraire auront tendance à se renfermer. Dans tous les cas, en plus d’être un instrument de magnificence, cette fusion géante d’émotions ou état second collectif, a une répercussion directe dans le jeu. Sans parler de l’aspect quasi-mystique que peut générer l’embrasement du public, son absence est forcément perturbante pour les professionnels du tennis, ne serait-ce que pour le changement d’habitudes.
On entre sur le court et c’est presque comme si on était encore resté dans les vestiaires, les acclamations qui normalement (ou rituellement) marquent brutalement la transition entre les deux espaces laissent la place au silence. On est passé d’une musique aussi complexe et anarchique que le free jazz à quelque chose d’infiniment plus minimaliste et monotone… L’effet bulle est prolongé, et la froideur quasi robotique des obligations protocolaires n’arrange pas les choses. Les sportifs qui se doivent d’être doublement plus vigilants que la moyenne ont, en dehors des courts, un contact humain encore plus restreint qu’à l’accoutumée, les relations sociales se limitent effectivement à la famille (qui ne peut se déplacer aussi facilement qu’avant) et aux staffs, le technique et le médical. A l’approche d’un match se créé alors une mise en abyme assez étrange, ce n’est pas « un rêve dans un rêve » comme dans le film Inception de Christopher Nolan mais « une bulle dans une bulle », il y a la bulle dans laquelle le monde entier est temporairement enfermée puis la bulle que le sportif est obligé de créer pour maintenir sa concentration.
En espérant que la première bulle éclate bientôt - car on ne va pas tarder à lui passer un savon - et qu’enfin la musique reprenne…!
La bulle éclatera peut-être à RG avec un retour du public..masqué il est vrai.
*marquent
Sinon très agréable à lire, c’est bien dit ?
J’aime bien la comparaison avec Inception à la fin
Merci Sapin et Nadalboss :) (merci aussi de relever la faute mais je pense que ce n'est pas la seule, j'effectue rarement des relectures sur ce genre de billet ^^)
Les courtes pauses entre les points sont les instants qui m’ont le plus marquée dans les moments de silence (faut bien y trouver quelques points positifs ahah), ça a permis notamment à quelques ignorants d'entendre l’haletante respiration de Serena Williams. Pas très loin de sa trente-neuvième année - du fait de son âge avancé sûrement couplée à quelques séquelles liées à ses embolies pulmonaires passées - elle avait un mal fou à réguler sa respiration et faire ralentir son rythme cardiaque. J'imagine même pas l'effort colossal qu'elle doit fournir pour maintenir un niveau pareil, c'est à la fois émouvant et puis ça force au respect...
Oué, mais alors si ça reste jazzy, que ce soit swing, pardi !
Un petit compte-rendu de ressentis bienvenu, n'ayant vu aucune image de cet épisode tennistisque.
Merci_Pink pour ce genre d'intervention qui avait fort manqué en ton absence.
En tout cas, il est évident que le public joue sa part dans le match. Que ce soit pour le téléspectateur ou pour les joueurs... ça demandait une adaptation et c'est aussi ça être pro ! ^^ Mais clairement qu'un GC sans public ça n'a pas le même goût ^^